E-carburants : pourquoi rouler coûtera 5 fois plus cher
Les e-carburants sauvent-ils vraiment le moteur thermique après 2035 ? Rendement énergétique divisé par 5, coût supérieur et émissions persistantes : la promesse se fissure.

Electrolyse, capture de COâ et synthèse de carburants
De l'hydrogène au réservoir : une chaà®ne énergivore
Les e-carburants sont produits en séparant l'eau par électrolyse pour récupérer l'hydrogène. Celui-ci est ensuite combiné à du COâ capté sur des sites industriels ou directement dans l'atmosphère. Le résultat est un carburant liquide compatible avec les moteurs thermiques actuels, sans modification matérielle majeure.
Sur le papier, cette boucle fermée paraà®t idéale. Dans la pratique, chaque étape consomme massivement de l'électricité. Pour parcourir 100 km, une voiture électrique nécessite environ 15 kWh. Une voiture nourrie aux e-fuels en demande cinq fois plus (75 kWh). Ce rendement médiocre condamne toute ambition de généralisation à grande échelle pour les particuliers.
Le compromis obtenu par Berlin auprès de Bruxelles permet certes aux thermiques de survivre après 2035, comme l'a défendu la VDA dans notre analyse du lobby auto allemand. Mais il repose sur une illusion de disponibilité énergétique que l'Europe n'a pas.
Un coût structurellement plus élevé
Selon l'IFP Energies Nouvelles, produire un litre d'e-carburant coûtera encore 50 % plus cher qu'un litre d'essence fossile à maturité industrielle. Aujourd'hui, les pilotes dépassent 5 ⬠le litre. Même en optimisant la chaà®ne, le prix restera supérieur car il faut mobiliser des volumes gigantesques d'électricité renouvelable, ressource déjà convoitée par l'industrie lourde et les bà¢timents.
Sur cinq ans, un conducteur qui adopte les e-fuels paiera environ 10 000 ⬠de plus qu'un automobiliste en électrique à batterie. Les e-carburants se situeront donc dans une niche premium, comme le prouve l'investissement de Porsche pour sécuriser ses modèles 911. Une citadine ou une compacte destinée aux ménages ne pourra absorber cette facture énergétique.
NOx, CO et ammoniac sont toujours au rendez-vous
Des émissions qui restent problématiques
Les supporters des e-fuels promettent un carburant âneutreâ. En réalité, les moteurs alimentés aux e-carburants continuent d'émettre autant d'oxydes d'azote que l'essence conventionnelle. Transport & Environnement mesure également davantage de monoxyde de carbone et d'ammoniac, ce qui pose un problème de qualité de l'air dans les zones denses.
En termes de COâ, l'e-fuel réduit d'environ 70 % les émissions comparé au fossile, mais reste bien loin des 13 g/km d'une électrique. Pour atteindre la neutralité, il faudrait capter le COâ directement dans l'atmosphère, un processus encore plus vorace en énergie et en investissements.
ReFuelEU Aviation impose déjà des volumes minimaux
Une solution taillée pour l'aviation
Les chercheurs ne rejettent pas les e-carburants : ils les orientent vers l'aviation, secteur où la batterie est trop lourde et l'hydrogène trop complexe à stocker. ReFuelEU Aviation impose 5 % d'e-fuels en 2035 puis 28 % en 2050, ce qui absorbera la majorité de la production disponible. Le maritime expérimente aussi le e-méthanol pour ses cargos.
Les volumes restants seront donc limités pour l'automobile. Les priorités climatiques pousseront les décideurs à réserver cette ressource aux secteurs sans alternative. Pour les voitures particulières, l'équation économique et énergétique plaide largement en faveur de la batterie ou de l'hybride rechargeable.
Pertinence limitée pour des usages passion ou collection
Que reste-t-il aux conducteurs thermiques ?
Les e-carburants pourraient prolonger la vie des véhicules thermiques passion, des flottes patrimoniales ou de certains utilitaires spécialisés. Ils offrent une solution âdrop-inâ intéressante pour des volumes réduits, lorsque le coût passe après la préservation d'un patrimoine ou la contrainte d'usage.
Pour le grand public, la transition reste l'électrique. L'enjeu devient d'accélérer l'offre abordable et de sécuriser les infrastructures, plutôt que de miser sur un carburant qui gaspille l'énergie au point de coûter cinq fois plus cher par kilomètre parcouru.




